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Notre but n’est pas de raconter ici l’échec du
coup de force. Charles Quint ne savait pas qu’un coup d’Etat ou qu’un putsch
militaire ne se tentent jamais en automne ou en hiver. Il avait, soit, les
moyens de lutter contre les bandits, les bandes armées et la population
algéroise. Ses moyens étaient colossaux, ses forces armées paraissaient
invincibles, oui invincibles selon des calculs sur le papier. Mais l’empereur ne
commandait pas à la tempête. Il était resté impuissant, lui et ses généraux
contre la violence des bourrasques et contre la pluie qui avait mouillé la
poudre, épuisé les hommes. Un vent de nord-est avait soufflé avec une telle
force que trente navires avaient subi des naufrages tandis que d’autres
s’étaient brisés les uns contre les autres en raison d’énormes
vagues.
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Le rivage et la mer étaient couverts
d’épaves et des milliers de cadavres jonchaient la côte. La tempête exerça ses
ravages sans répit pendant 24 heures jusqu’au mercredi où enfin, elle se calma,
au bout d’une troisième nuit de veille presque totale.
Dans la baie d’Alger
subsistaient quelques navires et galères qui avaient échappé au désastre. Cent
cinquante bateaux, selon des historiens dignes de foi, furent complètement
détruits et de Cherchell à Dellys, le littoral fut couvert d’épaves.
Les Maures,
profitant de l’occasion, avaient massacré des milliers de malheureux qui
s’étaient efforcés d’échapper à la mort en nageant et ils (les Maures) s’étaient
emparés de leurs dépouilles en signe de victoire.
Les chrétiens avaient
abandonné presque tous leurs canons et toutes leurs
subsistances.
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Andrea Doria
avertit l’empereur qu’une seule voie de salut
subsistait pour sauver les restes de la flotte, en rassemblant
cette flotte pour la mettre à l’abri autour du cap
Matifou.
Voilà pourquoi le souverain décida
que toutes les troupes rallieraient ce cap. L’armée,
en effet, n’avait plus ni vivres ni approvisionnements et
elle était incapable de reprendre les points d’où
l’ennemi l’avait délogée. Il fallut
faire retraite à travers des rivières et des marais
inondés. Les oueds Harrach et Hamiz furent franchis par
les troupes. Près des ruines de l’ancienne ville de
Rusguniae, aux environs du cap
Matifou, l’empereur tint conseil pour qu’on
décide si l’on devait mettre fin à cette
retraite ou non ; la plupart des conseillers furent d’avis
de quitter les lieux le plus rapidement possible.
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Parce que
Doria avait annoncé qu’il craignait une tempête
plus importante et plus grave, l’empereur décida le
rembarquement. Quand ses soldats se furent embarqués le 03
novembre, il quitta le dernier cette terre où il avait
essuyé un si grand revers.
La mort dans l’âme,
nous pouvons l’imaginer, il emporta une triste image de
Rusguniae, ce Rusguniae où nous vivions et gageons
que très peu de nous avaient entendu parler de Charles
Quint, ni de sa désastreuse
expédition.
Quatre cent vingt ans plus tard, une autre
tempête allait chasser les chrétiens de Cap Matifou
dans d’autres conditions. L’Histoire, dit-on, ne se
répète pas...
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