Lucien Cervera nous a quittés le 3 juillet 2011, à l'aube de sa centième année, nous le remercions pour son précieux témoignage que vous lirez ci-dessous.
Un simple clic sur une photo et voilà que je me trouve rajeuni presque d'un siècle ! C'est le miracle Internet !
Né au Cap Matifou le 25 août 1913, je suis certainement un des rares témoins oculaires de cette époque. Sur cette photo de classe de 1925-26, j'ai reconnu d'abord mon instituteur M. Lhermet, un Auvergnat, qui enseignait au cours moyen et dont j'ai gardé un excellent souvenir, car c'est lui qui m'a fait passer mon certificat d'études. Je me souviens bien de tous ces camarades qui m'entourent. Ce sont pour le plupart les enfants de ces familles mahonnaises du village. Autour des filles Casasnovas, en robe noire au premier plan, il y a des élèves avec qui j'ai partagé mon enfance.
Aussi, c'est avec beaucoup d'émotion que je revis, grâce à Internet, cette époque, d'après guerre I9I4-I8. En effet des événements importants comme la crise économique de I929, la montée du fascisme en Europe, le Front populaire en I936 et enfin la 2eme guerre mondiale, ont été vécus dans le plus petit village d'Algérie et ont bouleversé ma vie. Comme la plupart des enfants de Cap Matifou, je suis le descendant d'une de ces cinquante familles de Mahonnais qui à la sueur de leur front ont défriché les terres incultes de ce cap balayé par les vents. Les Cervera sont originaires de Es Mercadal (Ile de Minorca). C'était la misère noire dans cette île des Baléares. Mon grand-père Cervera Raphaël-Martin est arrivé en Algérie, avec sa famille, vers 1850.

Mon père Jacques - Vincent Cervera est un "poilu" rescapé de la guerre 1914-18. Sur le front des Dardanelles il a contracté le paludisme et il a été évacué en 1918 par un bateau hôpital russe dont le nom est resté gravé dans ma mémoire: le "Tchichakow". Ma mére était couturière à Alger. Ils se sont mariés au Cap-Matifou.
De cette union, j'ai vu le jour le 25 août I913, dans la ferme que mes ancêtres ont bâtie de leurs mains. Mes parents m'ont prénommé Lucien Raphaël François. A cinq ans je fréquentais la classe de Mme Gérardot, l'institutrice du cours préparatoire.


A 12 ans j'étais au cours moyen de M. Lhermet. C'est justement de cette classe I925-26 que je garde le meilleur souvenir. Je revois cette photo avec une grande émotion, car c'est avec tous ces enfants en majorité d'origine mahonnaise, comme moi, que j'ai vécu mon enfance, au Cap Matifou.
Ces familles étaient groupées autour du village. Il y avait à l'époque cinq familles Cervera, tous cousins. Les chefs de famille avaient un sobriquet pour ne pas les confondre. C'était la coutume à Mahon. Parmi les autres familles dont les enfants fréquentaient l'école.
Il y avait des Pons, des Riera, des Sint&egraves, des Quintana, des Bagur, des Salord, des Monjo, des Rotger, des Gomila, des Reus, des Tudury, des Torres, des Périano, des Camps, des Olives, des Torrent, des Ferrer, des Ruidavest, des Jover, et bien sûr les sœurs Casasnovas qui sont au premier plan de la photo, et leur frère Antoine.