La création d'Aïn Taya, Cap Matifou et Rouïba à partir de la ferme de la Rassauta. Voici des documents exceptionnels sur la création des communes. Les lettres du Préfet au Ministre, le rapport et le Décret initié par Napoléon III. (documents transmis par Alain Boucheron)

Il faut rappeller qu'alors les étrangers ne pouvaient pas bénéficier des concessions de parcelles de terrain et il a donc fallu la bienveillance du baron de Vialar qui est intervenu aupès du Ministre A. de Saint-Yon pour que ces cultivateurs illettrés puissent bénéficier de ces terres en argumentant sur leur courage et leur volonté.


Monsieur le Ministre, le 1er mars 1847

Plusieurs cultivateurs illettrés me prient de leur servir d’interprète auprès de vous et de vous recommander une pétition qu’ils ont adressée, il y a près d’un mois, à M. le Directeur de l’Intérieur.

L’objet en est grave, la demande est fondée, il serait avantageux pour le pays qu’elle fût accueillie favorablement et sans retard. Je n’hésite pas, quoique étranger à l’entreprise proposée, et quoique à certains égards, je dusse y être contraire, à essayer d’attirer votre examen et votre bienveillance sur cette pétition.

La population agricole des environs d’Alger se compose principalement de Mahonnais. Ils ont quitté en grand nombre leur île avec leurs femmes et leurs enfants et ont peuplé et cultivé presque tout le massif d’Alger.

Tandis que les villages fondés par l’Administration n’offrent que des cultures encore bien rares et plutôt onéreuses que productive pour les concessionnaires qui y ont été placés, les Mahonnais, plus acclimatés, plus sobres et plus habiles dans la petite culture, ont trouvé le moyen de vivre dans l’aisance dans les propriétés des autres Européens, et de leur payer des fermages assez élevés. Ce sont eux réellement qui ont doté le massif de la culture et de la vie.

Environ cinquante chefs de famille, habitant depuis un grand nombre d’années l’Algérie, tous cultivateurs acclimatés, tous fermiers, gênés par le prix très élevé des terres qui leur sont louées, demandent une concession à l’Administration. Ils sollicitent d’être placés aux mêmes conditions que les concessionnaires des autres villages, au Fort de l’eau, près de la Maison carrée, sur l’ancienne ferme de la Rassauta.

Jusqu’à présent, on n’a fondé de village qu’à l’aide des nouveaux venus étrangers à la culture, au moins pour laquelle on réussit en Algérie. Ce sont aujourd’hui des habitants de cette contrée, des Algériens qui entrent dans vos plans d’agglomération et qui s’offrent à se réunir dans un village qu’ils créeraient sous votre protection et avec votre assistance.

S’ils n’étaient pas surs de réussir, ils n’exposeraient pas dans cette fondation et leur temps qui est précieux et leur économies acquises ici au soleil de l’Afrique et l’existence de leurs familles.

Ce serait peut-être la première fois qu’un village agricole serait fondé en Algérie dans des conditions assurées de succès. Il se ferait sans doute en privant plusieurs propriétaires de leurs meilleurs ouvriers mais ce n’est pas une considération qui puisse arrêter, lorsqu’il s’agit de faire une chose utile et de procurer le bien-être à plus de trois cents personnes.

Vous avez deux moyens, Monsieur le Ministre, d’établir une population française en Algérie, c’est d’y faire venir des Français, c’est d’y rendre Français les européens qui y sont déjà ou y arriveraient. Ce dernier moyen ne réussira qu’en traitant ceux-ci avec la même bienveillance , avec la même ferveur que les français de naissance, et en ne distinguant les hommes que par leur degré d’utilité et de moralité.

Sous ce point de vue et sous celui du progrès agricole, la demande des Mahonnais est une bonne fortune. Je la soumets avec respect et confiance à votre sollicitude éclairée.

Je suis avec respect

Monsieur le Ministre Signé : Baron de Vialar le 1er mars 1847

La lettre du ministre de Saint-Yon télécharger l'original

Monsieur le Maréchal, en réponse à ma dépêche du 20 mars dernier relative à la demande de concession de terres fournies pour cinquante familles mahonnaises, vous m’avez fait connaître le 30 du dernier mois que reconnaissant l’utilité de constituer auprès du fort de l’eau un centre de population dont la ville d’Alger pourrait tirer de précieux avantages pour son alimentation, vous étiez d’accord d’accueillir la demande de ces familles.

Vous m’avez annoncé en même temps que vous aviez chargé le M. le Directeur de l’intérieur de réunir les pétitionnaires, s’il pouvait les découvrir en l’absence de M. de Vialar, actuellement à Paris et que vous les installeriez immédiatement s’ils acceptaient de s’établir à leurs frais.

Je vois avec plaisir que vous partagez mon opinion sur l’intérêt que présente l’établissement de cette petite colonie.

M. de Vialar annonçait dans la lettre que je vous ai communiquée, que la demande avait été faite par les Sieurs Mathieu Marques, Juan Frédéric et Juan Barbe. M. le Directeur de l’intérieur … … facilement retrouver les autres familles au moyen des indications que lui auront fournies les … et je pense que rien n’aura entravé la première instruction de cette affaire. A cette occasion vous témoignez le désir que je revienne sur la détermination prise de ne plus accorder, en général, de subventions aux colons, et vous me demandez quelle sera la qualité des secours que je serais disposé à accorder aux mahonnais dont il s’agit.

Il est dans mes intentions d’autoriser la dépense de quelques travaux de terrassements et nivellements sur l’emplacement qui aura été choisi pour l’assiette du hameau et je vous prie de m’adresser à ce sujet une proposition régulière.

Mais c’est là seulement ce que j’ai entendu par les légers secours à accorder aux mahonnais car l’insuffisance des ressources budgétaires ne permet pas de leur en attribuer d’autres. Et je me verrais, à regret, dans la nécessité de laisser leur projet sans exécution s’ils en subordonnaient la réalisation à l’allocation de subvention en argent ou en matériaux que le vœu des chambres m’oblige à restreindre le plus possible.

Recevez, Monsieur le Maréchal, l’assurance de ma très haute considération.

Le Pair de France

Ministre secrétaire d’Etat de la Guerre

Signé A. de St Yon

Pour copie conforme

Le chef du secrétariat à l’administration centrale.

Etablissement d'Aïn Taya, Cap Matifou et Rouïba télécharger l'original

Rapport fait au Ministre le 8 septembre 1853

Monsieur le Gouverneur Général de l’Algérie a transmis le 5 Septembre courant, au Ministre des propositions régulières pour l’établissement immédiat de deux des villages projetés dans l’Est de la plaie de la Mitidja.

Ces villages sont

Aïn-taya, avec deux hameaux annexes, sur les rives de la baie : cap Matifou ;Rouïba, sur la nouvelle d’Alger à Dellys.

On a l’honneur de prier le Ministre de vouloir bien soumettre à S.M. l’Empereur, avec les rapports ci-joints les deux projets de Décrets destinés à sanctionner les dites créations, conformément à la législation sur la matière.

Lettre du Préfet au Ministre de la Guerre télécharger l'original

A Monsieur le Ministre de la Guerre,

Monsieur le Ministre,

J’ai eu l’honneur de vous informer par lettre du 30 octobre dernier (1853) de l’installation des colons dans le peuplement du village d’Aïn-Taya et de ses deux annexes (Aïn-Beidia et Matifou). Je vous ai fait connaître, en même temps, qu’il serait procédé prochainement au peuplement de Rouïba.

L’absence du plan modifié par le Conseil de Gouvernement et plusieurs fois réclamé et l’exécution tardive des travaux de nivellement du village qui en a été la suite inévitable et enfin le mauvais temps presque incessant de l’hiver qui empêchaient tout lotissement sur le terrain, n’avaient pas permis jusqu’ici de procéder à cette installation des colons destinés au peuplement du village de Rouïba.

Cette opération vient d’être effectuée les 6 et 7 courant par les soins de M. le géomètre Charand et je m’empresse d’en informer votre excellence.

Les concessionnaires sont au nombre de 22, tous chefs de famille. Le territoire formant une étendue totale de 385 hectares, a été divisé en deux lots pas concession, l’un de 5 hectares situé dans la partie Est et formé de terre entièrement bonne et défrichée, l’autre de 8 hectares, 50 ares dans la partie Ouest couverte de palmiers nains, mais offrant cependant une terre excellente pour les cultures après défrichement.

Un lot de jardins de 50 ares, voisin des habitations complète la concession de chaque habitant du village.

Les colons ont en outre la jouissance d’un communal de 70 hectares, qui pourra servir au pacage de leurs bestiaux.

Des préventions mal-fondées avaient été répandues contre l’établissement de ce nouveau centre dont on disait la réussite impossible.

Les nouveaux colons en ont jugé autrement et pas un seul ne s’est montré disposé à refuser les terres qui lui ont été attribuées. Ils ont même tous pris l’engagement de bâtir dès le mois d’avril prochain, afin qu’à l’automne rien ne puisse les distraire de leurs travaux de culture et d’ensemencement.

J'ai lieu d’espérer que le village de Rouïba, quoique d’une création postérieure à celui d’Aïn-Taya, donner des résultats presque aussi immédiats et tout aussi satisfaisants.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments respectueux.

Le Préfet.

La création d'un village de 22 feux : Rouïba télécharger l'original Napoléon, 30 sept 1853
Par la grâce de Dieu et la volonté nationaleEmpereur des Français

A tous les présents et à venir, salut
Sur le rapport de notre Ministre Secrétaire d’Etat au département de la guerre,Avons décrété et décrétons ce qui suit :

Article 1er
Il est décrété, dans l’Arrondissement d’Alger, sur la route d’Alger à Dellys, un centre de population de 22 feux qui prendra le nom de Rouïba.

Article 2
Le territoire agricole à affecter à ce nouveau centre sera, conformément aux plans ci-annexés de 383 hectares, 85 ares 90 centiares.

Article 3
Notre Ministre Secrétaire d’Etat au département de la guerre est chargé de l’exécution du présent décret.

Fait au Palais de Saint-Cloud, le 30 septembre

Signé napoléon

Pour l’Empereur,

Le Maréchal de France,

Ministre Secrétaire d’Etat au département de la guerre,
Signé . . . . . . .Arnaud
Pour ampliation, le Conseiller d’Etat

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