Sur cette photo très ancienne se trouvent au fond : la Gare où passe tous les jours, matin et soir le petit train à vapeur des C F R A (Chemins de Fer sur Route d'Algérie) qui relie Ain-Taya à Maison-Carrée. Au milieu : l'atelier du forgeron.
Au premier plan : l'immeuble Dabadie,avec au rez-de-chaussée le « Café de la Gare avec sa tonnelle. Le cycliste qui vient vers le centre du village, roule sur une route qui n'est pas encore goudronnée.
Antoine Casasnovas, était mon meilleur camarade. Après le certificat nous avons poursuivi nos études ensemble à Maison Carrée.
Le père était le cordonnier du village. Je revois leur maison, au bord de la route de Fort-de l'Eau, tout près de la voie du petit chemin de fer. Devant on y accédait de plain-pied, derrière se trouvait la cuisine avec un escalier qui descendait au petit jardin. Entre enfants on s'y retrouvait souvent pour jouer, alors que la maman Rosalie nous surveillait depuis sa cuisine. Nous fréquentions le cours supérieur de l'Ecole Laverdet, avant d'accéder au collège. Avec Antoine Casasnovas nous prenions, tous les jours, un petit train folklorique, à la gare du Cap, pour nous rendre à la nouvelle école. Le train faisait le trajet en une demi-heure.
C'était un enchantement pour nous, enfants qui n'avions jamais voyagé. Les Arabes l'appelaient le "Bouyouyou" car son sifflet strident rappelait les "youyou" des femmes. Chaque matin le petit train arrivait d’Aïn-Taya plus ou moins à l'heure. Il s'annonçait par un grand panache de fumée. Il traversait tout le village sifflant et crachant sa vapeur. En semaine il n'y avait pas grand monde. Mais le vendredi, jour de marché à Maison-Carrée, les gens s'entassaient dans les wagons avec leurs bagages et leurs animaux. Le petit train cheminait à travers les collines jusqu'a Fort de l'Eau. Il marquait un arrêt à Ben - Mered et à la Rassauta.


Ces collines seront rendues célèbres quelques années plus tard par le tournage du film "Golgotha de Julien Duvivier, avec Jean-Gabin. Les vieux Algériens doivent s’en souvenir, car le film avait mobilisé des milliers de figurants de la région.
Des fois le train s'arrêtait pour laisser passer un troupeau de moutons ou de bœufs. C'était là, au milieu des jardins maraichers, qu’une odeur pestilentielle envahissait le train. Elle provenait, des ordures ménagères d'Alger, transportées à Fort de l'Eau, où des maraichers Mahonnais cultivaient, avec leur savoir-faire, les légumes pour la capitale.
Après la gare de Fort de l'Eau, nous admirions, sur une colline, les ailes d'un grand moulin à vent (ça ne s'appelait pas encore des éoliennes) qui actionnait une noria. Le train arrivait enfin en gare de Maison-Carrée tout près de l'école. Comme on était en avance on avait le droit d'entrer dans notre classe avant l'heure. En gamins curieux, on allait discrètement fouiller dans le bureau de M. Subervielle, le directeur, avec l'espoir d'y trouver le sujet de la prochaine interrogation.