Je suivais les cours d'éminents professeurs bénévoles chaque soir à Alger, après mon travail. Pour faire ce trajet de 50 km aller-retour, mes parents m'avaient acheté cette auto d'occasion Renault, pour 5 000 anciens francs. Cette première voiture qui m'a permis de faire des études à Alger, était une Renault du genre des « taxis de la Marne ». Elle avait le volant à droite, des freins à câble, à l'arrière seulement, une manivelle pour lancer le moteur, des phares sans codes pour rouler la nuit. Au passage à Maison-Carrée je prenais un camarade handicapé physique Damien Sanchez. Nos études universitaires nous permirent d'améliorer notre situation. Lui dans la médecine du sport, moi dans l'enseignement.
A 18 ans, le permis de conduire avait été une simple formalité : un circuit en ville seul, sans le moniteur qui vous donnait le permis si vous reveniez sain et sauf. La station d’essence du village se trouvait devant le Café des Amis. On appelait Lulu, la fille du cafetier pour vous servir. Elle pompait l’essence d’un fût surmonté d’une pompe et d’un vase en verre de 5 litres. Un tuyau déversait le précieux liquide dans le réservoir de votre auto.
Les voitures étaient rares à l’époque…
Je me souviens de la camionnette Citroën du boulanger Quintana, avec laquelle j’avais appris à conduire.
Le code de la route était alors fort simple : conduite à droite de la route, priorité à droite. Pas de panneaux de signalisation. De temps en temps une borne « don de Michelin » indiquait les croisements.

Pas de passages à niveau. La voie de chemin de fer coupait les routes. Même dans le village les rails étaient à quelques mètres des maisons. Tous les jours, la locomotive frôlait dangereusement la tonnelle du café Stallano.
En sortant du village des bornes kilométriques indiquaient la distance à parcourir pour accéder à Fort de L’Eau ou à Aïn-Taya.
Enfin, les routes faites pour les attelages à chevaux, n’étaient pas encore goudronnées. Le siècle de l'automobile commence, en France, à la fin de la guerre 14-18. Les usines d'armement se reconvertissent pour fabriquer des autos. L'automobile est devenue le symbole de réussite sociale.
J'ai vu les toutes premières automobiles dans le village, comme la De Dion du Docteur Barthès, un médecin d'Ain-Taya qui me soignait du paludisme; celle plus moderne de mon maitre du cours moyen, M. Lhermet, qui avec sa torpédo nous emmenait passer le certificat d'études à Rouiba. Je me  souviens des camionnettes du boulanger Quintana et de l'épicier Henri Périano, qui démarraient au" quart de tour" de manivelle...